La chronique de Sophia Wesphael sur les rêves et la vie en société a été présentée le lundi 07 septembre 2020 soir. C’était à l’occasion de la nouvelle émission de débat « Les visiteurs du soir » sur la chaîne francophone belge LN24. Voici le texte intégral de cette chronique transcrit par nos soins à partir de la vidéo.

 

« Ce soir, je vais ouvrir ma chronique sur Baudelaire. Baudelaire qui nous dit : « il faut être toujours ivre. Tout est là. C’est l’unique question.

Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos efforts et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve », ajoute-t-il.

Et si, ensemble, on décidait, on osait, s’enivrer de rêves ? Et si on osait rêver d’une société qui ne se construit pas dans le rejet de l’autre, de l’altérité ?

Alors, bien sûr, j’ai appris à ne pas confondre rêve et fantasmes. Mais est-ce que ça relèverait vraiment du fantasme, d’imaginer une société où le « vivre ensemble » ne se contenterait pas d’être une notion, un concept vide, un outil de communication politique pour endormir les consciences face, au mieux, à notre silence coupable, au pire, à notre complicité muette dans l’abandon de toute partie de la population ? Celle que l’on juge de trop, ou « pas trop comme nous ».

Alors, moi, je ne suis pas là pour régler les comptes. Je suis juste-là pour parler des rêves.

Je me dis simplement que c’est difficile de rêver ses propres rêves quand tant d’autres sont privés de rêver les leurs. Je me dis que c’est difficile de rêver ses propres rêves en se réveillant chaque matin dans un monde où, en Chine, des hommes et des femmes, par le seul fait de leurs convictions religieuses sont enfermés dans des camps et réduits à l’esclavage pour garantir nos jouissances consuméristes. Où, en France, une députée est dessinée le cou enchaîné par le seul faut de sa couleur de peau, parce qu’un journal préfère, à la critique argumentée d’une position politique, les caricatures néo-esclavagistes. Où, en Amérique, la mort filmée d’un homme sous le genou d’un policier n’a pas suffi à conscientiser ses pairs pour qu’il soit le dernier. Où, en Belgique, dans les coulisses de notre plat pays à nous, où on boit pourtant fraternellement des bières, tout en mangeant des frites, un homme pousse virtuellement son dernier souffle sous un salut nazi.

Mais, moi, je ne viens pas pour régler des comptes. Je viens juste pour parler des rêves. Alors parlons-en, des rêves ! Parlons de la façon dont on pourra s’assurer la liberté de rêver sans manger les rêves des autres jusqu’à vomir, jusqu’à les vomir.

N’oublions jamais que pour rêver, il faut oser, que choisir c’est renoncer, mais que ne pas choisir, c’est souvent se condamner à la passivité. Alors ensemble, osons, osons rêver de justesse, osons rêver de justice et osons faire bloc pour aller la chercher. Osons donner à notre éphémère des allures d’éternité. Parce que notre éphémère c’est le futur de ceux qui nous suivrons. Alors, admettons que notre société est plurielle et contrastée, et qu’elle est empreinte de mille nuances de couleurs, de préférences. Ne les nions pas, ne les fuyons pas. Chérissons leurs richesses et assurons leurs conflits, parce qu’ils ne sont rien d’autre que l’essence de la vie.

De Martin Luther KING à Greta Thunberg, de Stephan Hessel en passant par Gandhi, les rêves n’ont pas qu’une seule couleur. Ils sont vibrants, exaltants, contrastés, parfois clivants, mais ils n’ont qu’une seule couleur. Ils nous rapprochent, ils nous séparent pour un moment ou irrémédiablement, mais ils n’ont pas qu’une seule couleur.

Parfois c’est en voyageant dans les yeux de l’autre qu’on découvre le monde. C’est en puisant une nouvelle forme de vérité à laquelle on n’avait même pas songé ou qu’on avait balayé.

Alors faisant retour à Beaudelaire, moi, je vous invite, je nous invite au voyage. Je nous donne rendez-vous avec le monde, avec l’infinité des rêves qui nous font tenir debout et surtout, avec l’infinité des êtres qui portent en eux ces rêves et qui s’octroient le droit de les incarner en assumant et en rencontrant leurs différences. Parce que j’ignore ce que vous en pensez. Mais on est probablement jamais aussi proche de soi-même qu’en essayant, vraiment de comprendre l’autre. » 

RETROUVEZ L’INTEGRALITE DU TEXTE ET LA VIDÉO DE LA CHRONIQUE DE SAPHIA WESPHAEL SUR

LES RÊVES DU «VIVRE ENSEMBLE » DANS NOS SOCIÉTÉS : UN GRAND VOYAGE POUR LA JUSTICE ET UN MONDE ÉPRIS D’HUMANITÉ.

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